Ce week end dans le Perche,
j’ai rêvé un conte de Noël.
Il était une fois, deux adorables enfants de la banlieue parisienne : l’ainé, un garçon prénommé Ilan, d’un naturel timide et rêveur et sa petite sœur, Lou, une enfant dynamique et espiègle. Ces deux là avaient la chance de pouvoir quitter régulièrement la banlieue bruyante et polluée pour venir passer les weekends dans le Perche. En effet, leurs parents avaient décidé de restaurer un corps de ferme situé dans cette magnifique région de collines boisées et de verts pâturages et c’est avec entrain que la famille prenait la route le vendredi soir pour se rendre dans leur havre de tranquillité.
Un samedi matin de printemps, les deux enfants décidèrent d’aller semer des graines de cosmos dans le potager. Bras dessus, bras dessous les voilà partis avec tout l’attirail : transplantoir, râteau et binette, sans oublier le sachet des précieuses petites graines.
A quatre pattes, ils étaient en train de s’affairer lorsque tout à coup, un carré de terre s’effondra pour laisser place à un trou béant. Les gamins intrigués comprirent rapidement qu’il s’agissait d’un terrier et s’approchèrent pour tenter d’en apercevoir l’intérieur. Stupeur ! Une portée de lapereaux d’à peine quelques jours, tout juste couvert de poils, les yeux encore fermés vagissaient faiblement dans leur nid douillet.
Les enfants surexcités quoique vaguement inquiets coururent chercher leurs parents afin de montrer l’incroyable découverte. Le père, doté d’un solide bon sens agricole, resta plutôt circonspect quant à la survie des orphelins. La mère quant à elle, d’un naturel optimiste, proposa de transporter le nid avec tous ses occupants bien au chaud dans la maison. Lorsque, sous l’œil attentif des deux enfants, la portée de lapereaux fut confortablement installée, la mère s’empressa d’aller demander conseils au vétérinaire le plus proche. Celui-ci, plutôt habitué aux vêlages difficiles des fermes environnantes et la prenant sans aucun doute pour une parisienne hystérique, ne lui laissa aucun espoir :
« Chère madame, dit il d’un ton condescendant, vous n’avez absolument aucune chance de sauver ces lapins. Les nourrir au biberon… de toute ma vie, je n’ai encore jamais vu ça ».
L’agriculteur, présent dans le hall de la clinique, rajouta même d’un air bourru : « pfff… y’en a vraiment qu’ont du temps à perdre ».
Mais qu’à cela ne tienne. La mère acheta tout le nécessaire pour allaiter les lapereaux nouveau nés : lait maternisé pour chatons, biberons de poupée, tétines proportionnées à la taille des minuscules bestioles. L’aventure commença dès le jour même et toute la famille y participa, y compris la grand-mère réquisitionnée pour faire office de baby-sitter dans la journée. Seul, le chat de la maison, pourtant fort intéressé par l’affaire, ne fut pas convié aux repas des lapins !
A raison de plusieurs tétées par jour, quelques gouttes au départ pour terminer à un demi-biberon avalé goulument, tous les lapereaux survécurent.
Nourris et choyés de la sorte, la dizaine de lapins grandit très vite. Lorsque la bassine en zinc, terrier provisoire de la fratrie devint trop petite, il fallut les déménager dans une cage et commencer le sevrage. Car, au grand désespoir d’Ilan et Lou, il fallait bien se rendre à l’évidence que la vie d’un lapin de garenne n’était pas dans le salon familial mais plutôt dans les prés et prairies et qu’il était grand temps de rendre ces petites bêtes à la vie sauvage et les ramener sur leurs terres d’origine.
C’est par un beau jour de mai, sous le regard ému et attendri de la famille, que la dizaine de lapins fut rendue à la campagne percheronne. Et c’est avec une lueur d’amusement dans les yeux qu’Ilan et Lou ainsi que leurs parents observent régulièrement la nombreuse descendance de la portée d’orphelins folâtrer autour de la maison familiale.