Brigitte Cordier
Cet après-midi, j’ai rendez-vous avec Brigitte Cordier à Moutiers-au-Perche. La route est glissante, les températures ont chuté de 10°, il fait un temps gris et humide, prémices de l’hiver. Je sais que Brigitte m’attend, je ne veux pas être en retard.
C’est une amie que je découvre. Pas l’artiste peintre, sculpteur ou plasticienne, non rien de tout cela. Simplement une amie que je n’ai pas vue depuis longtemps. Que je ne connais pas en fait. Parfois c’est ainsi : vous rencontrez une personne pour la première fois, vous ne l’avez jamais vue. Pourtant, au premier regard, à la première phrase, vous avez l’impression que vous l’avez toujours connue. Simplement pas vue depuis longtemps. C’est tout.
Brigitte me propose un café. « Non merci mais une tisane oui avec plaisir ». En un coup de vent, elle revient de son jardin qu’elle affectionne tant avec deux brins de thym, quelques feuilles de sauge et de menthe poivrée. Et nous voici toutes les deux, complices, dans sa charmante cuisine à partager nos vies. Elle me raconte son parcours artistique.
Brigitte a un don mais elle l’ignore encore. Elle me raconte son étonnement lorsque, toute jeune, elle a transformé une boule de pâte à modeler en un personnage agenouillé, posture traditionnelle du pénitent à la recherche de la réconciliation. Puis ce morceau de bois maladroitement sculpté par son frère mais qui a tant résonné dans son cœur et qu’elle conserve précieusement. Cette rencontre enfin avec un sculpteur qui lui a mis une gouge et un maillet dans les mains et a contemplé la naissance de l’artiste. Brigitte, investie, habitée même, a produit en quelques jours ce que nombre de personnes mettraient une vie atteindre. Là encore un pénitent, en position de recueillement. Inutile de continuer à s’égarer, son métier est là, dans ses mains.
Durant vingt trois ans, Brigitte va transcender sa vitalité, ses colères, ses combats, ses amours dans la sculpture. Son énergie, canalisée, va produire des pièces aux reflets autobiographiques : méditant, maternité, chaste baiser, bouquet de fleurs, poissons, symboles de la résurrection. Les sujets sont nombreux. Mais la sculpture est douloureuse. Son corps lui fait comprendre et accepter qu’il est temps de changer de matière.
C’est à ce moment que le hasard (mais le hasard existe-t-il ?) met sur le chemin de Brigitte un broc en zinc cabossé et rouillé. Soucieuse d’éviter à notre terre nourricière la digestion d’un tel objet, Brigitte va soudainement comprendre en le ramassant qu’elle tient dans la main sa nouvelle source d’inspiration. C’est en les incrustant dans le bois que Brigitte va leur insuffler une nouvelle vie à ces objets percés, rouillés, abandonnés dont personne ne veut plus. Ces rebuts deviennent alors charmants de poésie. Brocs, cafetières, boîtes anciennes, louches, couvercles, théières…
Son imagination est débordante.
Elle me fait visiter son atelier ouvert aux vents, puis son grenier où sont entreposés ses trésors. La lumière commence à faiblir et annonce l’arrivée de la nuit. Nous n’avons pas vu le temps passer. Je dois rentrer.
C’est le lendemain, en relisant Christian Bobin, que j’ai trouvé cette phrase qui résume à elle seule cette belle personne : « Voir, entendre, aimer. La Vie est un cadeau dont je défais chaque matin les ficelles ». Merci Brigitte.
Brigitte Cordier 3 rue de l’Abbaye 61 110 Moutiers au Perche
EXPO VENTE DANS LA CUISINE DE BRIGITTE
DIMANCHE 6 et SAMEDI 12 DECEMBRE
De 10h à 12h30 et de 14 h à 18h